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Emmanuelle Polack

Juifs des campagnes en Russie (Libération)

Posted in Commissaire Expositions, Revue de Presse

Article de Frédérique Fanchette paru dans Libération du 23 février 2006 :

 » Sortir les juifs des métiers du ghetto (tailleur, brocanteur, « mange-clou »…), les transformer en paysans et artisans, lutter contre le phénomène des Luftmenschen (en yiddish « hommes qui vivent de l’air du temps ») fut durant le premier tiers du XXe siècle la tâche de l’ORT. Cet organisme, né en 1880 en Russie sous le nom d’Union des sociétés pour le développement du travail industriel, artisanal et agricole parmi les juifs », existe toujours. Il y a dix ans, Serge Klarsfeld fouillait la cave de son siège parisien et exhumait des négatifs de verre. Des clichés furent accrochés au Museum of Jewish Heritage, à New York. » …

 

 

 

 

 

 

 

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Il était une fois le Yiddishland …

Posted in Commissaire Expositions, Revue de Presse

Le musée d’art et d’histoire du judaïsme, à Paris, raconte en une soixantaine de tirages photographiques, des scènes de la vie juive d’avant la Shoah, en Europe centrale et orientale. Il s’agit d’une collection inédite de photographies sur l’ORT (une organisation juive de formation professionnelle) réalisées à partir de plaques de verre originales découvertes par une historienne, Emmanuelle Polack -commissaire de l’exposition- dans les archives de l’ORT-France, et montrées pour la première fois après restauration.

Sur le tracteur, colonie Friling (« Printemps » en yiddish) – Région d’Odessa, Ukraine, URSS, automne 1928.
(Photo : © Archives Union mondiale ORT)

Aider son prochain en lui enseignant un métier afin qu’il ne soit pas obligé, pour vivre, de tendre la main : tel est, en résumé, l’objectif de l’ORT, une institution juive internationale d’éducation et de formation qui est née à la fin du XIXe siècle. C’est dans les archives de l’ORT que furent retrouvées quelque 250 photographies sur plaque de verre, qui racontent un épisode relativement peu connu de l’histoire contemporaine des communautés juives. Elles témoignent de la création et du développement de « colonies agricoles juives » par les nouvelles autorités soviétiques au début des années 20, en Union soviétique, en Lituanie, en Lettonie, en Pologne et en Roumanie. Le but de cet organisme était d’apporter une main secourable aux sans-abri, aux fiancés pauvres, aux orphelins, aux savants démunis, et de « normaliser la vie juive » (comme il est expliqué dans le film vidéo qui accompagne l’exposition), dans le cadre d’activités professionnelles considérées comme productives, susceptibles de favoriser leur intégration dans le monde moderne.

Issachar Ryback, Esquisse pour un bon de souscription en yiddish, années 20.
(Photo : © MAHJ)

Quel est donc ce Yiddishland ? Véritable invitation à remonter le temps, l’exposition a le mérite de cherche à reconstituer le fil de l’histoire. Emmanuelle Polak souligne : « l’histoire des colonies agricoles juives de l’Empire russe renvoie à la question du statut des Juifs de Russie. En 1804, le gouvernement du tsar Alexandre Ier avait décidé d’œuvrer à l’amélioration de la condition de vie des Juifs de l’Empire en les attirant vers le travail de la terre ». Pause au milieu des vignes, scène de vendanges, colonie active dans une plantation de tabac, famille réunie en costume cravate devant le pas de porte de la maison, attablée sur une nappe fraîchement dépliée un jour de shabbat, famille de montagnards des Carpates, assis devant leur maison, en torchis et au toit de chaume : autant d’évocations des shtetl (localités où l’on parlait yiddish), c’est-à-dire des « zones de résidence » qui étaient imposées par le tsar. Ces mêmes exploitations agricoles juives seront, plus tard, transformées en kolkhozes, c’est-à-dire en coopératives agricoles appartenant à l’Etat.

Des photos qui « relèvent de la propagande »

Jeunes gens et jeunes filles dans des ateliers de couture, de cordonnerie, d’ébénisterie, hommes et femmes s’affairant dans les champs et dans les fermes ou posant fiers et droits devant une machine agricole, petits enfants studieux sur les bancs d’école : ces « belles images » du passé, nostalgiques, racontent toute une page d’histoire qui va de 1900 à 1930. Le visiteur est invité à découvrir comment, pour le pouvoir soviétique, « l’émigration des Juifs vers les terres agricoles et la création de ces réseaux d’ateliers semi-industriels ont représenté, à un moment donné, une ‘réussite’ en permettant une intégration économique des Juifs et en contribuant à améliorer leur niveau social », explique Emmanuelle Polack, responsable des archives de l’ORT. Elle poursuit : après quelques années de succès, « ces colonies se sont dissipées lorsque Staline, refusant tout statut particulier aux Juifs, entama une collectivisation forcée de l’agriculture et de l’industrie. L’ORT voit son action progressivement bridée jusqu’à être interdite en 1938, tandis que l’Europe fait face à la montée du nazisme ».

Vers les champs – Europe de l’Est, années vingt.
(Photo : © Archives Union mondiale ORT)

Poses photographiques devant des charettes, des tracteurs ou des moissonneuse-batteuses : « Les familles juives d’Europe occidentale et d’outre-mer, notamment celles des Etats-Unis, furent invitées à envoyer à leurs parents de Russie des équipements, des instruments de travail, et des semences », explique Emmanuelle Polak. Les photographies de 1921 à 1938 « relèvent par conséquent de la propagande », souligne la commissaire. Elles attestent que l’argent de la manne étrangère est bien employée au « reclassement des Juifs » et à la « régénération » par le travail. Le film, les panneaux explicatifs et le catalogue Artisans et paysans du Yiddishland (éditions d’Art Somogy) -qui accompagnent l’exposition- complètent les pages manquantes de l’histoire, et racontent comment, après ce succès temporaire de l’entreprise, la communauté juive d’URSS, spoliée de ses biens, a subi les « purges staliniennes de 1937 et 1938, provoquant des coupes sombres au sein de la communauté », mettant un point final à l’entreprise de l’ORT en URSS. A Paris, jusqu’au 21 mai.

par Dominique  Raizon

Article publié le 17/03/2006 Dernière mise à jour le 17/03/2006 à 10:09 TU

http://www.rfi.fr/actufr/articles/075/article_42533.asp

 
 
 
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« Artisans et paysans du Yiddishland 1921-1938, du shtetl au kolkhoze »

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 Article de Véronique Chelma – http://veroniquechemla.blogspot.com/

Après le MAHJ (musée d’art et d’histoire du Judaïsme) et la Mairie du IIIe arrondissement de Paris  dans le cadre du Festival des cultures juives, le musée Juif de Belgique accueille l’exposition éponyme de photographies. Assortie d’un magnifique catalogue trilingue, cette exposition témoigne de l’histoire méconnue des « colonies agricoles juives » créées par les autorités soviétiques dans les années 1920 avec l’aide de l’ORT, organisation juive de formation professionnelle,  et l’apport financier de la diaspora Juive, et disparues lors de leur transformation en kolkhozes. Ces « colonies » ont contribué à la « régénération » des Juifs ayant quitté leur shtetl du Yiddishland.

Vers 1986, Serge Klarsfeld découvre dans les archives de l’ORT des « photographies non identifiées… de Juifs à l’étude ou au travail dans les classes ou ateliers ou les terres de l’ORT dans des pays variés a ucentre et à l’est de l’Europe et s’étalant en général sur la période 1900-1935. Sans oublier de lourdes boîtes de négatifs en verre ». Cinquante de ces photos identifiées grâce à des experts sont alors exposées au Museum of Jewish Heritage à New York.
En 2003, l’historienne Emmanuelle Polack découvre dans les archives de l’ORT-France d’autres photos, elles aussi posées destinées à prouver la « régénération » des juifs soviétiques, polonais ou roumains, par le travail et à solliciter les donateurs américains et européens (Emmanuelle Polack).
De ces 250 clichés sur plaque de verre (gélatino-bromure d’argent), le Musée d’art et d’histoire du judaïsme (MAHJ ) avait présenté en 2006 une « soixantaine de tirages photographiques réalisés à partir de plaques de verres originales ».
Restaurés, ces clichés en noir et blanc étaient alors montrés pour la première fois en France dans cette exposition passionnante et didactique dont les commissaires étaient Emmanuelle Polack et Nicolas Feuillie.
On peut voir une vingtaine de ces tirages magnifiques par Moïse Arbib dans cette exposition réalisée par l’ORT, organisation juive de formation professionnelle, le MAHJ et Anima & Cie dans cette mairie parisienne.
L’œuvre « immense et bénéfique » (Serge Klarsfeld) de l’ORT
Les trois lettres de l’ORT, organisation juive de formation professionnelle, correspondent à l’acronyme de ces mots russes Obshestvo Remeslenofo zemledelcheskofo Truda(Organisation pour la formation aux métiers de l’artisanat et de l’agriculture de la communauté juive de Russie).L’ORT est fondée en 1880 dans la Russie tsariste par des « notables juifs de Saint-Pétersbourg » Nikolai Bakst (1842-1904), écrivain et professeur de physiologie, Samuel Poliakov (1836-1888) et le baron Horace de Gunzburg (1833-1909).
Son but : « promouvoir le travail manuel chez les juifs » généralement « attachés » à la « zone de Résidence », une vaste région située dans la partie occidentale de l’empire russe et où, de 1791 à 1917, les juifs – sauf exceptions (système de quotas dans les capitales, dans certains domaines) – étaient contraints par les monarques russes de vivre. Cette zone, dont le périmètre a varié au cours des siècles, englobait une partie de la Russie, la Pologne, la Moldavie, l’Ukraine, la Biélorussie, la Lituanie, mais non les grandes villes. Pour les quatre millions d’habitants juifs de cet espace, la vie y était difficile (interdiction d’exercer de nombreuses professions, etc.), la pauvreté générale, l’antisémitisme tragique (pogroms). La vie intellectuelle et spirituelle s’épanouit notamment dans les synagogues et les yeshivot (écoles talmudiques).
Des organisations juives caritatives sont créées afin d’apporter une assistance médicale, éducative ou sociale aux juifs habitant les shtetls (petites villes en yiddish) de cette «  Zone de résidence » ou souhaitant s’établir hors d’elle.
L’ORT « participe aussi au mouvement d’éveil intellectuel des juifs de Russie, avec le développement d’une littérature en yiddish, en hébreu et en russe, et l’édification d’une conscience nationale juive ».
Après la révolution bolchevique en 1917, l’essor de l’ORT s’accélère afin de répondre aux urgences de la guerre civile et nourrir une population souffrant de la famine.
L’organisation héberge et éduque les orphelins et les sans-abris.
Avec la Nouvelle politique économique (NEP) lancée en 1921 par Lénine et qui « libère les échanges pour les paysans, les commerçants et les petits entrepreneurs », l’ORT revêt une utilité accrue pour un pouvoir voulant « normaliser » la vie des juifs libérés de leur « zone de Résidence ».
Car les juifs « ne peuvent être reconnus en tant que groupe, et doivent trouver une intégration économique » dans « le cadre d’activités professionnelles considérées comme productives ».
Parallèlement à d’autres organisations – JDC (American Jewish Joint Distribution Committee), ICA (Jewish Colonization Association) -, l’ORT intervient en « formant activement aux métiers manuels (cordonnerie, menuiserie, couture), et surtout en développant l’agriculture au sein de fermes collectives, même si celles-ci sont apparues dès le début du XIXe siècle ».
Ayant fixé son siège à Berlin dès 1921, sous la direction de Léon Bramson (1869-1941), ancien membre de la Douma, avec l’aide de David Lvovich (1882-1950) et d’Aaron Syngalowski (1889-1956), l’ORT s’implante dans le monde entier : l’ORT oeuvre dans 61 pays en 2010. Procède à des collectes de fonds pour financer ses actions. Rationalise l’organisation du travail. Instaure « un réseau dynamique de fermes et d’écoles ». Extrait les Juifs de leur misère, leur offre des opportunités professionnelles dans des métiers auparavant refusés, leur permet de s’intégrer dans la société russe. S’active en Roumanie, en Pologne, en Lituanie, Bessarabie, dans les anciens territoires russes yiddishophones.
Les résultats sont éloquents : l’ORT « aide de nombreux juifs à se convertir à l’agriculture en Bessarabie (604 familles sur 37 établissements agricoles), ainsi qu’en Pologne et en Union soviétique (4700 familles sur 141 établissements). L’ORT forme de nombreux jeunes et artisans aux techniques industrielles, ainsi que tous ceux que l’économie communiste a privés de leur métier traditionnel. Dans ce but, entre 1920 et 1923, l’ORT crée des centrales d’achat de matériel industriel et de machines ».
Le gouvernement soviétique crée la Komzet (1924), puis la « Société pour la Promotion de l’Etablissement juif », ou “Société pour l’emploi agricole des travailleurs juifs” (Ozet) en 1925. « Outre la Crimée, des régions agricoles juives sont créées : Kalinindorf en 1927, Nay Zlatopol en 1929, Stalindorf en 1931 et Larindorf en 1935 ».
L’ORT œuvre avec plus de difficultés en Roumanie, Pologne ou Lituanie.
Une « parenthèse historique »
Par « sa politique de formation professionnelle et d’aide à l’équipement, l’ORT est l’un des instruments de la politique de l’URSS. Par son ajustement aux plans quinquennaux, par la composition de son personnel, l’organisation est de plus en plus intégrée aux institutions économiques soviétiques ».
Mais « dès la fin des années 1920, Staline refuse tout statut particulier aux juifs, et entame une collectivisation forcée de l’agriculture et de l’industrie ». Ce qui entrave l’action de l’ORT, interdite en 1938.
C’est la mutation forcée des exploitations juives agricoles, dont le matériel est confisqué, en kolkhozes. Les intérêts de l’ORT et des autorités politiques de l’URSS divergent.
« En 1938, le contrat permettant que les Américains envoient l’argent n’est pas renouvelé. Jacob Zegelnitsky, représentant de l’ORT en URSS, est déporté au Kazakhstan », expliquait Emmanuelle Polack à Libération en 2006.
Cette exposition présente des témoignages inédits, « uniques et précieux de cette parenthèse historique, où parallèlement à l’idée sioniste, l’agriculture a pu représenter une solution au « problème juif », que le régime soviétique pense résoudre à la fin des années en créant une éphémère république autonome juive au Birobidjan, loin de Moscou, près de la Mongolie… »
Savamment cadrées et éclairées, ces photos montrent des élèves studieux du cours de dessin de l’école professionnelle Metzel à Odessa (Ukraine, URSS). Des membres de la colonie juive à Manzyr (Bessarabie, Roumanie) un shabbat après-midi. Un groupe de jeunes au regard déterminé ou malicieux travaillant au potager expérimental de la jeunesse juive ouvrière à Odessa. Un atelier de cordonnerie de l’ORT à Rovno (Pologne). Des enfants et des adultes lors d’une pause pendant les vendanges au vignoble Grynberg à Jaruga (Ukraine, URSS). Le transport de choux verts près de la collectivité agricole Sholem Aleikhem (province d’Odessa, Ukraine, URSS) à l’automne 1930. Un déjeuner à l’orphelinat de la colonie Zelenopolye (Ukraine, mai 1922). Un atelier d’ébénisterie à Piotrkow Trybunalski (Pologne), de couture à Chavli (Lituanie) ou de métallurgie de précision à Wilno (Pologne). Des enfants souffrant de malnutrition dans la colonie Zelenopolye (Ukraine) en mai 1922…
« Les masses juives et les individus instruits par l’ORT et qui vivent et agissent sur ces photos ont été emportés par millions dans la tempête de la Shoah. Ces photos sont un témoignage irremplaçable et ô combien émouvant de la vie juive avant la Shoah » (Serge Klarsfeld).
Du 23 septembre au 31 décembre 2011

rue des Minimes 21, 1000 Bruxelles
Tél. : 02 512 19 63
Tous les jours de 10 h à 17 h. Fermé le lundi. Nocturnes sur demande

Du 15 juin au 28 juin 2010
A la Mairie du IIIe arr. de Paris : 2, rue Eugène Spuller, 75003 PARIS
Tél. : 01 53 01 75 61/62
Du lundi au vendredi de 8 h 30 à 18 h 30
Le jeudi jusqu’à 19 h 30
Le samedi jusqu’à 13 h
Fermeture le dimanche
Le mardi 15 juin 2010, à 14 h 30, Emmanuelle Polack, qui a dirigé le beau livre accompagnant cette exposition, donnera une conférence, prélude au vernissage de l’exposition à 15 h 30.
Emmanuelle Polack (dir. Par), Artisans et paysans du Yiddishland, The tradesmen and farmers of Yiddisland, 1921-1938. Préface de Serge Klarsfeld. Traduit en yiddish par Yohanna Touboul et Bernard Vaisbrot, en anglais par Charles Penwarden. Somogy, 2006. 95 pages. ISBN : 2-85056-862-7
Photos de haut en bas :
Issachar RYBACK
Esquisse pour un bon de souscription en yiddish

années 20 © MAHJ

Vers les champs
Europe de l’est, années vingt
© Archives Union mondiale ORT

Sur le tracteur, colonie Friling (« Printemps » en yiddish)
Région d’Odessa,Ukraine,URSS, automne 1928
© Archives Union mondiale ORT

Les citations sont extraites du dossier de presse et du catalogue de l’exposition.
Cet article a été publié une première fois en juin 2010 et republié le 10 décembre 2011.

Article de Véronique Chelma

http://veroniquechemla.blogspot.com/

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« L’ORT et le Yiddishland »

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« L’ORT est bien plus que cette organisation juive connue à travers le monde pour ses écoles professionnelles. Née dans la Russie tsariste de la fin du XIXe siècle, elle a activement participé à l’histoire des Juifs d’Europe de l’Est à l’aube du XXe siècle. Fondée pour mieux les aider à s’intégrer à la société russe, elle a organisé des ateliers de formation aux métiers manuels et agricoles en se fixant comme objectif la rationalisation du travail. L’institution a étendu cette politique économique surtout après l’avènement du régime soviétique. Ainsi, son action sans précédant a permis aux Juifs du Yiddishland de sortir de leur condition misérable en leur offrant de nouveaux emplois qui leur étaient jusque là refusés. Même si l’initiative de l’ORT était apolitique à ses débuts, elle a été récupérée par le régime soviétique en l’intégrant à sa politique économique globale.

 

Dès 1870-1880, les chefs spirituels du Judaïsme russe prônaient la création d’une Organisation visant à aider la population juive appauvrie à fonder une vie nouvelle basée sur le travail agricole au sein de fermes collectives et sur des métiers manuels artisanaux comme la cordonnerie, la menuiserie ou la couture.

Au début de 1880, un groupe d’intellectuels et d’industriels juifs décida de venir en aide à leur communauté. A cette époque, les Juifs interdits de résidence dans la plus grande partie du pays, ayant accès à un nombre limité de professions, vivaient souvent dans une grande indigence. Pour améliorer leur condition et les aider, l’un des membres de la communauté juive de Saint-Pétersbourg, Samuel Poliakov, présenta au Ministère de l’Intérieur une pétition sollicitant l’autorisation de créer un Fonds d’aide à la population juive nécessiteuse afin de créer des écoles professionnelles, d’installer des fermes modèles et de faciliter la mobilité des artisans.

Une lettre circulaire fut distribuée aux communautés juives de Russie, sollicitant la participation de chacun à la création d’un Fonds. En deux mois, 12.457 personnes, dans 400 villes et villages répondirent massivement à cet appel par des contributions totalisant 204.000 roubles or. Ainsi, l’ORT (Obschestvo Remeslenovo i zemledelcheskovo Trouda : Organisation pour le développement de l’artisanat et de l’agriculture) vit le jour le 22 mars 1880.

 

Mais la situation politique de la Russie tsariste restait instable. En 1881, l’assassinat du tsar Alexandre II par des révolutionnaires provoque une grande confusion dans le pays. Accusés d’en être responsables, les Juifs subissent de nombreux pogroms. Un climat antisémite s’installe durablement, conforté par la politique sévère des tsars Alexandre III et Nicolas II.

De 1881 à 1906, l’ORT collecte plus d’un million de roubles et procure ainsi une formation artisanale à 25.000 juifs dans 350 villes et villages de l’Empire russe. En 1905 le gouvernement de Russie reconnaît officiellement l’existence de l’ORT.

Suite à la Révolution russe de 1917 et à la prise du pouvoir par les Bolcheviques, les Juifs connaissent quelques mois de liberté grâce à l’abolition de toutes les contraintes de l’ancien régime. En 1918 – 1919, le nouveau régime est, a priori, hostile à toute politique particulière concernant les Juifs. Au vu de la gravité de leur situation, il crée cependant un éphémère « Commissariat aux affaires juives », dont la première action est d’aider les victimes des pogroms et de la guerre civile. Aboli en 1919, il est remplacé par la « Section juive du parti communiste », créée en 1918. Désormais, les organisations juives encore présentes, dont l’ORT, continuent d’agir sous le strict contrôle de l’Etat. Cette dernière se développe dans l’urgence face à des populations juives victimes des pogroms, de la famine et de la guerre civile.

 

Jusqu’en 1920, l’action de l’ORT est modeste et limitée à la Russie. Elle aide notamment les Juifs à sortir de leur zone de résidence en participant à leur établissement comme tailleurs, cordonniers, tapissiers, ou en assistant les nécessiteux. L’ORT s’engage aussi dans le mouvement d’éveil intellectuel des Juifs de Russie, avec le développement d’une littérature en yiddish, en hébreu et en russe qui fait naître une conscience nationale juive.

En 1921, Lénine, nouveau chef de la Russie soviétique, instaure la NEP (nouvelle économie politique) qui libère les échanges pour les paysans, les commerçants et les petits entrepreneurs. L’ORT se consacre alors aux orphelins et aux sans-abri auxquels elle offre toit et éducation. Son action se plie à la volonté du nouveau régime de « normaliser » la vie juive. Bien que les Juifs ne connaissent plus de ségrégation, ils ne sont pas reconnus en tant que groupe et doivent trouver une intégration économique. En rationalisant l’organisation du travail et en se déployant à l’étranger pour rassembler des fonds, l’ORT n’est plus seulement à but philanthropique mais surtout social, en étant active dans les territoires du Yiddishland, autrefois sous domination russe : Pologne, Lituanie, Lettonie, Bessarabie, Roumanie, ainsi qu’en Europe occidentale. Soutenue financièrement par les communautés juives occidentales, l’ORT contribue à répandre l’idée du travail manuel chez les Juifs, en insistant sur la nécessité d’un changement de leur structure économique. Elle instaure un réseau actif de fermes et d’écoles. L’ORT est la principale organisation d’Union soviétique à secourir, après 1922, les fermiers juifs d’Ukraine qui ont souffert de la Première guerre mondiale et de la guerre civile. Elle aide de nombreux Juifs à se convertir à l’agriculture en Bessarabie, en Pologne et en Union soviétique. L’ORT forme de nombreux jeunes et artisans aux techniques industrielles, ainsi que tous ceux que l’économie communiste a privé de leur métier traditionnel. Dans ce but, entre 1920 et 1928, l’ORT crée des centrales d’achat de matériel industriel et agricole.

 

La création par le gouvernement soviétique en janvier 1925, de la « Société pour la Promotion de l’Etablissement juif », ou ‘’Société pour l’emploi agricole des travailleurs juifs’’ se voulait une solution pour assurer la survie économique mais aussi l’existence nationale. Outre la Crimée, d’autres régions agricoles juives sont créées avec l’aide d’organisations occidentales entre 1927 et 1935. Mais l’intégration des Juifs dans l’Union soviétique est surtout passée par leur installation hors de l’ancienne zone de résidence et leur accès aux fonctions de l’administration, des sciences et de la culture.

De 1925 à 1928, des accords passés entre l’ORT et les autorités soviétiques consentent officiellement à celle-ci d’investir en URSS, à y importer du matériel, des techniciens et à y lancer des programmes en faveur de l’établissement agricole et industriel des Juifs. En URSS, le programme de l’ORT rencontre la volonté des autorités de rendre les Juifs « productifs ». Au-delà du mouvement de retour à la terre, il y a ainsi convergence d’intérêts sur le long terme. Cette situation est cependant atypique car en Pologne, Lituanie et Roumanie, il est beaucoup plus difficile de bâtir des programmes de travail, d’autant qu’en 1926, deux de ces pays connaissent coups d’Etat et établissement de dictatures.

 

En 1928, parallèlement à l’idée sioniste, l’agriculture semble représenter une solution au « problème juif ». Le gouvernement soviétique pense le résoudre en créant une éphémère république autonome juive au Birobidjan, près de la Mongolie et en y installant les Juifs.

En 1930, Staline met fin à la NEP et nationalise l’agriculture, au prix de millions de morts. Le régime soviétique commence à sévir contre les institutions juives qu’il a lui-même mises en place. Par ailleurs, il commence à mettre un fort accent sur l’industrie. En s’ajustant aux plans quinquennaux, l’ORT, par sa politique de formation professionnelle et d’aide à l’équipement, est l’un des instruments de cette politique. Ainsi, son organisation est de plus en plus intégrée aux institutions économiques soviétiques. Mais Staline refuse tout statut spécifique aux Juifs et entame une collectivisation forcée de l’agriculture et de l’industrie ; l’ORT voit son action graduellement freinée, jusqu’à être interdite en 1938, tandis que l’Europe fait face à la montée du nazisme.

 

En 1936 – 1938, débutent les purges staliniennes dirigées en particulier contre les intellectuels et les Juifs.
En 1938, l’épopée de ces Juifs prend fin avec le non renouvellement de l’agrément de l’ORT par Staline qui la dissout en URSS.

Une collection de photographies exceptionnelles retraçant cette belle et brève aventure mal connue reposait depuis des décennies dans les caves de l’ORT. Emmanuelle Polack, responsable du département Archives et Histoire de l’ORT France, les a redécouvertes et commentées en les présentant pour la première fois en 2006 au Musée d’art et d’histoire du judaïsme de Paris. Intitulée ‘’artisans et paysans du Yiddishland (1921-1938)’’, l’exposition qui vient de se terminer à Paris, a ainsi témoigné de façon unique de cette parenthèse historique singulière. »

 

Israel Magazine / Noémie Grynberg 2006

http://www.noemiegrynberg.com/pages/histoire/l-ort-et-le-yiddishland.html

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« La fille du charbonnier » d’Emmanuelle Polack & Sarah Royon

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Les éditions L’Harmattan publient La fille du charbonnier, un conte bilingue français-yiddish écrit par Emmanuelle Polack et sa fille écolière, Sarah Royon. Un récit charmant et simple sur l’amour familial et l’intelligence sauvant de situations délicates.

L’histoire se déroule dans un petit village de Pologne, Zabludow, où vivait un pauvre charbonnier juif.
Ce modeste charbonnier était veuf et élevait sa fille chérie adolescente dont il admirait la beauté et l’intelligence.
A l’approche des 15 ans de sa fille, il lui achèta deux rubans rouges, épuisant ses maigres économies dans ce futur cadeau.
Quelques mois plus tard, arriva l’intendant du royaume qui lui réclama la dîme royale. Malheureusement, cet humble charbonnier ne pouvait s’acquitter de cet impôt et fut donc arrêté. Emmené au château, il comparut devant le roi…
Ce conte dépeint des sentiments essentiels au travers de personnages traditionnels d’un shtettl : le père pauvre et méritant, la jeune fille parée de toutes les qualités (intelligence, sensibilité, pudeur) et le roi dur, mais cachant un bon fond.
Il est écrit en termes simples, habillé par un habile équilibre entre le texte – dans ses deux langues – et les dessins en noir et blanc, comme au fusain, de Johann Le Berre. Quelques mots sont expliqués clairement.
Autre originalité : ce livre a été écrit par Emmanuelle Polack, attachée de conservation au musée des Monuments français, et sa fille Sarah Royon, écolière de onze ans.
La version en yiddish est l’œuvre de Bernard Vaisbrot, enseignant de yiddish à l’université Paris VIII et auteur d’historiettes dans cette langue dans la revue estudiantine américaine Yug-nt Ruf.
Ce livre court se termine par une brève histoire du conte yiddish. Il se conclut sur une citation d’Isaac Bashevis Singer (1902-1991), auteur américain d’origine polonaise de romans, contes et nouvelles en yiddish, qui déclara lors de la remise de son Prix Nobel de littérature en 1978 : « Je suis sûr qu’un jour des millions de cadavres parlant yiddish se lèveront de leur tombe, et la première question qu’ils poseront, ce sera : quel est le dernier livre publié en yiddish ».
Par ce conte, voici une tendre réponse…
Emmanuelle Polack et Sarah Royon. La fille du charbonnier. L’Harmattan, coll. Contes des quatre vents, bilingue français-yiddish, version en yiddish de Bernard Vaisbrot, illustré en noir et blanc par Johann Le Berre. Paris, 2007. 24 pages. ISBN : 978-2-296-03472-3
En charge des archives historiques du musée des Monuments français au sein de la Cité de l’architecture et du patrimoine, chercheuse associée au musée de Montparnasse, Emmanuelle Polack est commissaire invitée de l’exposition Rose Valland sur le front de l’art, la dame du Jeu de Paume, jusqu’au 2 mai 2010 au Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation. Elle est co-auteur de deux bandes dessinées pour la jeunesse :
– avec Bouilhac et Catel de Rose Valland, Capitaine Beaux-Arts. Editions Dupuis, 2009. 48 pages. ISBN : 9782800145525
– avec Emmanuel Cerisier de L’espionne du Jeu de Paume. Editions Gulfstream, 2009. 96 pages. ISBN : 978-2-35488-046-0

Cet article a été publié par Guysen International News et le numéro 79 de mars 2010 de la revue Los Muestros

Article de Véronique Chelma
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Ouest France – Mars 2010

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« Un livre document en images pour apprendre autrement »

Ouest France

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